Transat Cyladel

le routage

SoleilJean Pierre a eu l'opportunité d'avoir le service d'un routeur pour faire cette traversée. Pour la Transat Aller, Guy Le Dallic, ancien propriétaire de CYLADEL et ami de Jean Pierre nous avait donné ses conseils d'autant plus avisés qu'il avait lui-même, à bord de CYLADEL, effectué déjà deux transatlantiques. Guy continue ce job pour la transat retour. Le service du routeur consiste à choisir la meilleure route possible compte tenu de la météo sur l'atlantique nord, d'une part, mais surtout de nous éviter d'aller dans un système dépressionnaire où l'on trouve des vents violents et des vagues énormes, bref des risques pour le bateau et les navigateurs.
Tous les jours, nous envoyons la position du bateau au routeur, celui-ci confirme et compte-tenu des performances de CYLADEL, nous donne deux way-points (points de passage) a viser pour notre cap, et nous donne la météo pour les 4 jours qui suivent à savoir

  • La direction du vent : Est, Nord, Sud-Est, etc.
  • La force du vent en noeuds
  • l'orientation de la houle: idem que pour le vent
  • la hauteur de la houle et sa fréquence en seconde, hauteur en mètres et fréquence en secondes.
Durant la traversée nous avons donc fait confiance à nos routeurs et de fait n'avons que très peu chargé des fichiers météo. Le routage professionnel est très factuel, conséquence d'une analyse faite en amont, nous connaissons donc le résultat sans en connaitre les causes, ceci est un peu frustrant.

la traversée

PetoleMardi 30 avril. Départ à 8 h. Vent de face, nous marchons au prés, a bonne allure, mais avec un gite à bâbord de 15° à 20°. Gilles est malade, Jean Pierre et Christian ne sont pas très brillants. Difficile de cuisiner dans ces conditions et donc saucissonnade à midi et jeûne le soir sauf Gérard qui se fait chauffer une boite de conserve.
Même conditions les jours suivants, Jean Pierre et Christian sont amarinés, Gilles non et pour lui cela va être ainsi toute la traversée hormis les quelques jours, vraiment rares, où les allures de CYLADEL seront plus confortables.
A cette allure et si nous trouvons les vent d'Ouest plus haut comme on le dit dans les livres, on devrait être aux Açores vers le 15 mai, rêves !!!

Jeudi 2 mai. Le vent cale, et nous allons naviguer au moteur durant presque 3 jours. C'est pétole, l'océan est plat sans aucune houle, ni une ride sur l'eau. Nous en profitons pour faire quelques bons plats, manger confortablement, faire un bon apéro et discuter sur le pont avant. Nous dépassons deux voiliers encalminés, qui n'ont probablement pas notre capacité en gazole.

PetoleSamedi 4 mai. Retour du vent mais avec de la pluie. Le jour suivant le vent nous oblige à remonter plein Nord et là le moral se met en berne. Jean Pierre met le moteur en route.

Lundi 6 mai. Le vent n'est pas bien orienté et le routeur nous fait faire de l'Est. A moyen terme le vent devrait passer à l'Est puis Est Sud Est (ESE) puis Sud Est (SE). Durant plusieurs jours nous naviguons plutôt Est/Sud Est (ESE), CYLADEL n'arrivant pas à faire un bon cap à l'Est. Là le moral descend encore un peu plus bas , mais on se fait une raison, et on plaisante sur une transat retour via les iles du Cap vert puis les Canaries, une grande première !!! Les conditions de navigation sont difficiles, au près tribord amures, avec une gite importante, et parfois le bateau qui tape dans la vague faisant un bruit assourdissant. Une fuite importante se déclare sur un hublot de la cabine avant, et chaque vague qui envahit le pont avant occasionne de petites entrées d'eau dans cette cabine. Gérard se replie dans le carré pour dormir. Quelques accalmies nous permettent de prendre des repas normaux, un peu cuisinés.
Plongée de JP Nous essayons de changer de bord pour voir si le cap serait meilleur, mais dans nos savantes manoeuvres nous oublions que nous avions une traine en pêche, et le rapala se prend dans l'hélice du bateau. Jean Pierre descend à l'échelle de coupée et plonge pour s'assurer qu'il n'y a aucun risque pour l'hélice, tout est OK.

Jeudi 9 mai. Face à notre inquiétude quant à la descente vers le Sud Est (SE), le routeur nous fait virer et remonter vers le Nord, Guy Le Dallic confirme. Le vent devrait prochainement adonner et nous permettre de faire une route plus conforme. Nous voila maintenant au près, bâbord amures, avec toujours une gîte importante mais dans l'autre sens. Nous remontons ferme. Nous sommes à 1400 milles nautiques des Açores et nous ne grignotons que 50 à 60 miles par jour dans le cap tout en parcourant réellement environ 140 miles par jour. Notre date d'arrivée est repoussée à une échéance inconnue. Nous avons remis une canne à pêche en service et nous ramenons deux dorades coryphènes. CorypheneNotre alimentation est toujours difficile et les boites de conserves défilent

Lundi 13 mai. Le vent est un peu meilleur, les conditions de navigation s'améliorent un tantinet et nous passons au prés bon plein, donc moins de gîte, et meilleur cap. L'espoir revient quand nous passons la moitié de la distance à parcourir, soit 1100 miles. Le vent adonne un peu et le mardi, on franchit la barre des mille miles restant à faire, le décompte commence. Mais nous sommes toujours tributaire de cet anti cyclone calé sur le nord des açores, qui fait que les vents ne tournent pas dans le bon sens c'est à dire de l'Ouest. Au départ on se voyait, installant les tangons et filer vent arrière, comme c'est communément le cas, pensions-nous, pour la transat retour. Ambiance morose à bord, chacun s'isole, lecture, musique. Mais fatalistes tout de même, surtout les voileux qui connaissent les humeurs du vent, et savent prendre leur mal en patience

Vendredi 17 mai. Le vent est passé Sud Est (SE) depuis mercredi. Navigation plus confortable. Quelques absences de vents et notre allure tombe à 2, 3 noeuds puis un grain réveille CYLADEL qui passe à 7, 8 noeuds. Chaque jour c'est 110 à 130 milles que l'on parcourt dans le bon cap. Nous avons épuisé nos produits frais, yaourts, fruits et légumes frais, et nous rêvons maintenant d'un bon steak frites à Horta chez Peter, de croquer aussi quelques cerises et quelque fraises. Là, à cette allure on compte les jours; arrivera t on mardi, mercredi, jeudi ?

FloresSamedi 18 mai. Le vent tourne, le routeur nous annonce un vent qui refuse progressivement sur la route directe et nous propose de monter au Nord Est, en attente d'un vent de Nord Est, prévu dans trois jours et qui nous permettra de redescendre vers Horta. La distance à parcourir est de 426 miles. mais nous avons un problème avec la sonde d'un des réservoirs à gazole, donc un gros doute quand à la réserve de gazole, pourra-t-on faire 426 miles au moteur ? Longues discussions. Jean Pierre hésite, craignant de finir à sec et ne pas pouvoir arriver au port. Donc patatras, nous revoilà au près, et notre moyenne journalière qui tombe. On envoie un peu le moteur car le vent cale.

Dimanche 19 mai. Dans l'après-midi Jean Pierre met le moteur en route, cap vers Horta, à 8 noeuds, les miles défilent et au petit matin il reste 260 miles à parcourir, mais la mer est hachée et le bateau tape fortement. Nous avons tous les yeux fixés sur la jauge du réservoir, et le doute d'avoir assez de gazole tenaille Jean Pierre. FloresNous décidons alors de remonter vers Flores, une des iles la plus à l'Ouest des Açores, où nous pensons faire du gazole et peut être faire escale, mais dans le doute, Jean Pierre appèle Guy Le Dallic, celui-ci, après avoir consulté internet, nous confirme la présence d'une marina toute récente, mais apparemment sans station carburant, précisant que le ravitaillement se fait à la station du village proche avec des bidons ! Nous voilà rassurés ; le vent est bon, on s'aide au moteur pour le cap. A Flores nous ferons étape, un plein de gazole, et cela permettra à Gilles de souffler un peu. Il restera alors environ 130 miles à parcourir pour rejoindre Horta.

Mardi 21 mai. Au lever du jour on aperçoit la masse de Ilhas dos Flores, noyée dans les nuages. Enfin la terre, après 21 jours de mer. Nous regardons défiler sous nos yeux les falaises abruptes de cette cote battue par les vents du large. Un vrai bonheur.

Rencontres

CargoTout au long de la traversée, chacun de nous passe des heures à regarder la mer, et instants fugaces, nous avons entr'aperçu une baleine, plusieurs tortues de mer (en plein océan !), Nous avons vu de nombreuses fois des dauphins venir sauter le long de la coque de CYLADEL, aller jouer devant l'étrave et puis disparaitre aussi subitement. Parfois de petites méduses glissaient le long de CYLADEL; un oiseau, au milieu de l'atlantique, d'autres plus nombreux, des fous de bassan, à quelques 800 milles des Açores. Et si au départ des Antilles les poissons volants étaient nombreux autour du bateau, nous n'en vîmes plus quand les eaux se furent refroidies. Nous avons trouvé par deux fois un petit calamars mort sur le pont, probablement embarqué lorsque les vagues ont déferlé sur le pont.
Durant plus de 10 jours, d'innombrables algues ou lichens, flottaient autour de nous, nous empêchant de mettre nos cannes à pêche. Et comme dit précédemment , la nuit nous regardions la luminescence crée par le plancton agité par l'étrave de CYLADEL;

Cargo Nous avons croisés, ou avons été dépassés par d'innombrables cargos, pétroliers ou autres navires, certains passant à moins de un mile de nous, et nous saluant avec des coup de corne, impressionnant. Ce qui ne lassait pas de nous sécuriser, car dans notre for intérieur nous savons tous que l'océan peut être dangereux. Nous avons vu d'autres voiliers, qui probablement reliaient les Açores, mais ne faisant pas la même route que nous. Sont ils arrivés avant nous ou après nous, mystère !
Un après midi, Gérard et Christian ont vu un objet flottant ressemblant à une caisse voire à un coffre, peut-être n'était-ce qu'un casier de pêche. Et là nous sommes partis au rêve : pourquoi ne pas avoir manoeuvré pour récupérer ce coffre ? Peut-être contenait-il des objets précieux, de l'or, une fortune ? quoi !

Bilan

2100 milles nautiques séparent les iles vierges, de l'ile de Flores. Nous avons mis 21 jours pour faire cette traversée, mais on ne peut guère faire une moyenne horaire car avec le vent que nous avons eu, nous avons effectivement parcouru prés de 2800 milles. Dans les jours qui vont suivre, aux hasard de discussions avec d'autres bateaux qui ont traversé à cette même époque, les conditions sur l'atlantique nord n'ont pas été celles couramment attendues. Tous les bateaux ont fait du prés, certains avec un vent constant, d'autres avec des périodes de pétole, ou de vent qui refuse, ce qui donne des bilans de durée de traversée de 16 jours à quelques 28 jours, alors qu'une traversée attendue se fait avec, en majorité, du vent arrière ou 3/4 arrière. Année exceptionnelle due à l'anticyclone qui reste bloqué au nord des Açores, faisant tourner les vents dans le mauvais sens pour bien traverser.
N'ayons pas honte, ce ne fut pas une traversée cent pour cent voile, quelques heures de moteur, au milieu de l'atlantique avec pétole, et les derniers jours alors que le vent refusait.
Et ce qui ne fut pas bon pour le moral, c'étaient les jours où nous tirions des bords avec 160 milles parcourus dans la journée, alors que, seulement une petite cinquantaine, nous rapprochait de l'arrivée. Pendant trois jours nous avons filé vers l'Est/SudEst, et les 4 jours suivants plein Nord !!!
La trace relevée sur le Ray Marine parle d'elle-même.

Trace