Transat Cyladel

La traversée de l'atlantique : fin

Sao Miguel Lundi 28 mai. Nous quittons le ponton de la Marina de Ponta Delgada à 8 h 30 pour aller compléter le plein de gazole et faire la dernière formalité de départ. Au quai de la station de carburant, un bateau anglais est amarré sans vergogne, immobilisant le quai et la station de gazole, pour faire ses courses et ses formalités. Nous insistons outre mesure pour qu'il accepte de se déplacer le long du quai, lui prétextant qu'il n'en a que pour quelques minutes, alors que nous poireautons depuis 1/4 d'heure.
Nous nous lançons d'abord au moteur pour déborder par le nord l'ile de Sao Miguel. Puis le vent du Nord nous permet de faire route directe vers Gibraltar. Le temps est maussade et il fait frais. Plus tard le vent passe au Nord Est et nous naviguons plus vers le Sud Est, mais l'allure est bonne.
Bizarrement nous trouvons le temps long, nous semblons être dans un état dépressif après ces quelques jours passés à terre. Gilles est à nouveau malade, Jean Pierre et Christian sont un peu vaseux, seul Gérard résiste, quoique perturbé par des dérangement intestinaux.Houle
Nous ne prenons aucun repas consistant et grignotons biscuits et charcutailles et mangeons des pommes, seul Gérard se fait chauffer des boites de conserves. Nous avons froid, la gite est à tribord avec une forte houle. Tout cela est très inconfortable.
Mercredi le vent cale et nous marchons au moteur en appui avec le vent. Psychologiquement nous nous réconfortons avec l'assurance que nous donne notre autonomie en carburant, suffisante pour relier Gibraltar.
Jeudi, Retour sous voiles avec du bon vent, au près bon plein, donc gîte importante, la houle forcit. Vendredi le vent forcit à 30 noeuds en rafales, avec une houle de 4 m, heureusement quasi parallèle à la direction du vent. La vie à bord est très difficile. CYLADEL tape fort dans les vagues et cela fait un bruit d'enfer à l'intérieur. Nous embarquons beaucoup d'eau du fait des vagues qui déferlent sur le pont. Le moral est au fond des chaussettes, uniquement porté par la diminution sensible de la distance qui nous sépare de Gibraltar. On souffre mais on avance, un rayon de soleil nous réchauffe le coeur.

gibraltar

AIS GibraltarSamedi 1er juin. Le vent cale un peu, et c'est un grand bleu ensoleillé. Le vent ne sera pas bon pour passer Gibraltar, nous le savons par la météo du routeur. Estimant que nous passerons le détroit de nuit, nous décidons de ne pas faire étape à Gibraltar, de naviguer toute la nuit et de nous poser sur un port du Sud de l'Espagne.
A midi nous prenons enfin un repas chaud très apprécié. Nous naviguons au moteur et là les miles s'égrènent.
A la réception de la météo pour les jours prochains, nous faisons une estimation de notre arrivée à Martigues: pas de vent les jours prochains, voire léger vent contre, mais pas de mauvais vent aussi. On pourrait être à Martigues le dimanche 9 juin. Doux rêve !!!
Sur l'AIS apparaissent une foultitude de signaux, nous abordons les rails de Gibraltar sur lesquels filent les navires marchands. Nous comptons une trentaine de navires sur les rails Nord/Sud (et inverse) et Ouest/Est (et inverse). Nous exerçons une vigilance accrue.

Dimanche 2 juin. Le vent, tourne à l'Est, pleine face. On s'enfonce dans l'entonnoir du détroit et nous apercevons les côtes de l'Espagne. Sur l'AIS, les signaux des navires s'intensifient, nous comptons 110 navires sur notre écran. La houle devient forte, le baromètre chute assez fort de 1030 à 1020 hpa. CYLADEL tape dans les vagues, on change de cap pour remonter vers les côtes, où pense-t-on, nous aurons moins de vent.
Nous coupons le rail ouest/Est puis le rail inverse, les navires se suivent à quelques miles les uns des autres et nous passons entre. Le vent forçit à 20 noeuds, la mer est forte.

BaromètreLa nuit tombe et cela devient impressionnant car les lumières des côtes du Maroc et de l'Espagne semblent se rejoindre devant nous laissant juste une petit bande noire qui est le détroit. L'impressionnant phare de Tarifa nous guide en visuel, mais nous avons les yeux fixés sur le radar. Christian est de quart, Jean Pierre monte dans le cockpit. Nous ne serons pas trop de deux pour cette veille. CYLADEL essuie des rafales de vent de plus de 30 noeuds, vent de face heureusement, et souffre de taper incessamment dans les vagues, la houle étant très forte. Nous embarquons sans cesse des vagues sur le pont et même le cockpit n'est plus étanche. On s'accroche et dans notre for intérieur nous espérons que de l'autre coté du détroit cela soit plus calme ; on ne se voit pas naviguer dans ce temps toute la nuit!
23 h, nous passons le phare de Tarifa dont l'éclat de rouge passe au blanc. Nous mettons cap sur Gibraltar, ou tout au moins sur la pointe sud de Gibraltar. Un grand feu rouge fixe semble indiquer cette pointe. Une demi heure plus tard nous voila sur une mer sans houle et un vent d'Est de 8 à 9 noeuds. Nous sommes beaucoup plus sereins quoique l'on ait à gérer le trafic des navires qui sortent ou entrent dans la baie de Gibraltar.

Jean Pierre est à la barre et voit sur l'AIS un signal, donc un navire qui vient vers nous à la vitesse de 16 noeuds et qui va nous passer à 270 pieds soit à moins de 500 m, ce qui est proche, en navigation à ces allures. En visuel, dans cette baie toute illuminée, nous cherchons les feux du navire, puis soudain Christian voit un feu rouge droit devant, pour Jean Pierre c'est impossible on devrait voir le feu vert et le signal se rapproche ; passant la tête à l'extérieur du cockpit Christian voit alors effectivement un feu vert sous le feu rouge et une grosse masse noire filant tribord avant, Jean Pierre ralentit le moteur et barre à gauche fortement. Le navire passe devant et de la passerelle on nous envoie des signaux lumineux, probablement pour nous remercier d'avoir laissé le passage libre. Chaud devant, on peut le dire. Vigilance, vigilance de tous les instants. Nous atteignons la pointe de Gibraltar, le rocher a son sommet dans la brume, le feu de Gibraltar passe au blanc. Jean Pierre établit un autre cap vers Benalmadena, une station balnéaire entre Marbella et Malaga. Christian part se coucher, puis jean Pierre laisse le quart à Gilles qui va gérer la route entre les navires au mouillage à l'Est de Gibraltar.
La boucle de l'atlantique est bouclée.

Relevé sur carte

la remontée

Chalutier Lundi 3 juin. Au petit jour, la mer est plate, le vent nul, et le soleil nous réchauffe, nous filons vers Benalmadena, un port touristique au dessus de Marbella, pas loin de Torremolinos. Nous accostons vers 10 h et faisons le plein de gazole. L'accueil aux bureaux du port est très bien et nous prenons une place pour la nuit dans la marina.
Le soleil est chaud, et nous faisons la toilette de CYLADEL, grandes eaux sur le pont pour le dessalage et serpière à l'eau douce à l'intérieur sur les planchers. Un bon apéro avec un planteur mode Antillaise, une pizza préparée dès notre arrivée, et ensuite coryphene et riz arrosée avec une bonne bouteille de blanc qui attendait patiemment dans la cale qu'on s'occupe d'elle. Sieste pour Jean Pierre, Gilles et Gérard, Christian, lui, par en reconnaissance dans la marina.
La marina se compose d'un port avec ses pontons, puis en terre des îlots d'immeubles de style arabo-espagnol, ocres avec bulbes et colonnades, entourés de canaux où sont amarrés les bateaux, probablement des résidents. L'accès est protégé par des portails en fer forgé. En face un quai déambulatoire entoure ces îlots sur une demi circonférence, avec ses bars, restaurants, et boutiques de souvenirs et autres babioles pour touristes. Une noria des bateaux plus fantaisistes les uns que les autres, des promène-couillons comme le dit jean Pierre, amènent le touristes faire un tour dans la rade.
CYLADEL a un peu souffert ces derniers jours et nous devons réparer un support de chargeur dans la cale machines, et l'étrier d'étai du génois.
Un tour dans la marina, histoire de siroter une bonne pinte de bière fraiche. En soirée un mojito, excellent, dans un bar, avant d'aller prendre un repas dans un restaurant que l'on nous a recommandé, un peu à l'écart sur la zone de réparation navale. Et là déception c'est trop tard, le service est fini. Nous nous rabattons sur quelques tapas qui restaient sur la banque, nous mangeons très rapidement pendant la fermeture du restaurant. Léger repas du soir!!! Un peu déçus mais bon tant pis!

Houle Mardi 4 juin. Départ 9 h. Mer plate, pas de vent. Notre objectif est d'arriver à Martigues le dimanche 9 juin, la distance est d'environ 660 miles, c'est jouable avec le moteur; moteur à 1600 t/mn, léger appui du vent avec le génois, à midi on peut manger confortablement un bon magret de canard, le moral est bon, même si pour les voileux, avancer au moteur ce n'est pas parfait. La nuit, au large de Almeria il faut gérer les pêcheurs; ensuite les conditions se dégradent, 20 noeuds de vent du Nord, donc vent de face et forte houle, serrée. CYLADEL tape dans les vagues et nous voilà à nouveau dans des conditions de navigations difficiles. Nous n'aurons décidément pas un vent au portant ou tout au moins une absence de vent et mer plate. La journée de mercredi sera ainsi agitée, au large de Carthagène, avec une houle très forte et un vent de face de 20 noeuds, nous n'avons pas vraiment envie de tirer des bords, ayant une autonomie carburant suffisante pour arriver à Martigues.
Lever de soleilJeudi se présente mieux, la houle est plus faible et le vent quasi nul et un beau soleil. Nous passons au large de la Calpe avec son remarquable rocher à l'entrée du port, étape que nous avions faite à l'aller après Ibiza.
Nous faisons route directe vers Martigues. A l'allure actuelle, si les conditions de vent sont telles que annoncées, nous prévoyons de faire étape, samedi soir à Gracieuse , un mouillage connu près de FOS. le capitaine désire faire une arrivée digne de notre aventure, avec grand pavois, parents et amis sur le ponton, donc plutôt un matin. Nous pourrons ainsi mieux programmer notre arrivée.

la journée de vendredi se passe aussi de façon identique, vent nul, houle très faible, le soleil lui est un peu voilé. A bâbord, au loin Barcelone et le cap Creux, si redoutable parait-il à passer par vent de Tramontane. Nous apercevons un poisson lune, proche de CYLADEL, avec sa nageoire bizarre qui apparait et disparait. Les heures défilent lentement, le téléphone passe encore un peu, et nous appelons nos proches pour organiser notre arrivée. Nous recevons des messages d'amis ou parents qui confirment leur présence sur le quai d'honneur de la mairie à Martigues, point de notre départ.

Grand pavois




Samedi 8 juin. Temps maussade, nous abordons le golfe de Fos sous la pluie, notre allure a été bonne et nous sommes un peu en avance sur nos prévisions. Nous décidons de passer la nuit au mouillage à Gracieuse, bande sablonneuse bien abritée dans le golfe de Fos sur Mer. Là nous allons parer CYLADEL de ses plus beaux atours pour son retour à Martigues : nous hissons le grand pavois et arborons les pavillons de tous les pays que CYLADEL a abordé depuis le mois d'octobre, et en point d'orgue un immense pavillon de la Provence. Nous préparons aussi quelques litres de ti- punch et autre planteurs pour le pot de l'arrivée.

Accueil




Dimanche 9 juin vers 9 h 30 CYLADEL se présente devant le fort de Bouc et commence sa remontée du canal de Caronte. Un voilier vient à notre rencontre avec à sa barre Patrick, notre coéquipier de la transat aller, et nos épouses et compagnes, Nadine, Brigitte, Lucile, Josiane et Mireille. Intense moment d'émotion, de grands signes de la main sont échangés et nous remontons le chenal ensemble, partageant nos joies réciproques. Nous savourons toutes ces minutes.

Final


A l'approche du quai d'honneur de la mairie de Martigues nous distinguons les signes de la main de nos parents et amis qui sont venus nous accueillir. Mitraillages de photos, accostage, applaudissements, embrassades, longues étreintes, et là on se lâche. C'est très fort.
Champagne, ti punch, et planteur coulent à flot. Grand moment de partage. Guy Le Dallic montre fièrement à tous sa propre carte marine sur laquelle il a reporté toutes nos positions journalières relevées à 12 h UTC, puis est invité à monter à bord pour la photo finale.
L'équipage ramène CYLADEL à son ponton, et après l'amarrage chacun débarque son paquetage, c'est le moment de la séparation, chacun rejoignant famille et amis venus les accueillir. Une belle aventure se termine, très riche expérience, chacun d'entre nous, ayant sa propre perception des moments vécus, mais fiers de l'avoir faite ensemble.

bilan financier

Le tableau ci après résume l'engagement financier pour ce projet. Nous avons fonctionné sur le principe de la caisse de bord.
La somme totale ramenée à une dépense journalière, pour la période du 19 avril au 9 juin, donne donc par personne et par jour : 29 €

Postes Dépenses
Approvisionnement 1820 €
Carburant 2726 €
Taxes et ports 426 €
Restaurants et bars 610 €
Produits frais 315 €
Tourisme 254 €
TOTAL 5952 €

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Meteo retrospective

Un article paru dans une revue voile rédigé par notre routeur.

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